Love Flight ~ Chapitre 1
Pauline
Mais qu’est-ce que je fiche ici ?
Je regarde l’entrée de l’hôpital depuis plusieurs minutes, incapable d’avancer davantage.
Sérieusement, je ne sais pas ce que je fais ici… Ou plutôt, si, je le sais. La véritable question est “pourquoi ?”.
La réalité, c’est que je suis supposée subir des tests de compatibilité aujourd’hui, pour rendre un énorme service à mon père – enfin, une personne avec qui j’ai quelques liens de sang serait plus juste, puisque mon cher père nous a abandonnées, ma mère et moi, dès qu’elle lui a parlé de sa grossesse. Il était déjà marié et entretenait avec ma mère une relation suivie, mais extra-conjugale. Il n’a pas voulu assumer ses actes, ni risquer d’ébranler son mariage si parfait.
Mais il y a quelques jours, mon géniteur est revenu dans ma vie. Il a besoin de ma moelle osseuse. Malgré mon amertume pour cet homme, je n’arriverai jamais à laisser souffrir une personne tout en sachant que je suis peut-être sa seule chance de guérison.
Me voici donc devant cet hôpital aujourd’hui et après une grande inspiration, je m’avance enfin vers les portes et pénètre dans l’établissement.
Je suis rapidement prise en charge par le personnel médical et, une fois les prélèvements faits, les questionnaires médicaux remplis, je suis enfin autorisée à rentrer chez moi. Du moins, à mon hôtel, puisque chez moi, c’est à plus de six cents kilomètres d’ici.
Lorsque je sors pour héler un taxi, il pleut des cordes. Le temps semble assorti à mon humeur du jour et, comme une idiote, je n’ai pas pensé à emporter un parapluie avec moi ce matin ! Je soupire sans aucune discrétion et râle dans mes babines.
— Dure journée ? demande une voix masculine derrière moi.
Je me retourne, le regard noir de colère, alors que l’inconnu continue en levant les mains en signe de reddition :
— Hey, inutile de me regarder si froidement. Je ne suis pas responsable du temps qu’il fait, me dit-il en souriant.
— Vous avez raison, excusez-moi… Dure journée en effet, acquiescé-je avec un sourire triste.
Il me dévisage, puis pince les lèvres et plisse les yeux, avant de reprendre, confiant:
— J’ai la solution anti-morosité si vous voulez ! Il y a un super restaurant pas loin d’ici. Je partais prendre mon repas et je déteste manger seul. Je vous invite, si vous êtes libre… Et que vous le voulez, bien sûr.
— C’est ça votre solution anti-morosité ? Manger ? rigolé-je.
— Non, parler à un inconnu… C’est ça ma solution ! Vous serez libre de dire ce que vous voulez, sans être jugée puisqu’on ne se connait pas et qu’on ne se verra sans doute jamais plus. Je pense que ça vous ferait du bien…
Un sourire naît sur mon visage, alors que je secoue la tête tout en le dévisageant. Ce gars ne doute de rien. Tout dans son allure laisse à penser qu’il est sûr de lui. Il se tient bien droit, parle avec aisance, sans aucune hésitation dans ses propos et surtout, il est canon !
— Et ne me dites pas « non », car je viens de vous faire sourire alors, je sais déjà que mon plan fonctionne ! Je veux bien jouer le rôle de cette oreille attentive, aucun souci. Mais là, j’ai vraiment faim et je vous le répète, je déteste manger seul. Nous nous rendrons donc service mutuellement si vous acceptez…
Il penche la tête sur le côté et m’offre un regard victorieux.
Après tout, je n’ai rien à perdre. Rentrer seule à l’hôtel ne m’ôtera pas ma mauvaise humeur. Et puis, je ne me souviens pas d’avoir déjà parlé à un mec comme lui… Encore moins d’avoir été invitée au restaurant ou quoi que ce soit par un type aussi… Waouh ! Je n’ai pas là, tout de suite, d’autre mot pour le décrire.
— OK, j’accepte…
— Ben, me répond-il en me tendant la main.
— Enchantée, Ben. Moi, c’est Pauline.
Il sort de sous le porche, ouvre son parapluie et me tend son bras pour que je m’y abrite, à ses côtés. Je le remercie d’un sourire et m’installe près de lui, puis nous nous dirigeons ensemble vers la file de taxis.
Une fois installée confortablement à l’intérieur de l’habitacle, je me tourne vers Ben.
— Ça vous arrive souvent ?
Il me regarde, perplexe.
— D’inviter des personnes que vous venez juste de rencontrer au restaurant, précisé-je.
— Oh, ça… Non. En fait, c’est la première fois, m’avoue-t-il.
C’est à mon tour de le questionner du regard.
— Vous me sembliez vraiment en pétard. Je ne sais pas pour quelle raison vous êtes dans cet état et je ne vous oblige pas à me le dire. Mais je ne pouvais pas me résoudre à ne pas tenter d’égayer votre journée.
— Vous êtes un bon samaritain, en fait.
Il rit.
— Non, je ne pense pas. En fait, pour être tout à fait honnête avec vous, ma journée est plutôt triste aussi. Une personne dont je suis très proche est souvent coincée dans cet hôpital, je viens le plus possible pour la soutenir. Mais c’est parfois très compliqué à vivre, pour moi aussi. Alors, un peu de compagnie pour ce déjeuner me fera le plus grand bien également, m’avoue-t-il.
Ben
Je luis dis ça comme ça, sans réfléchir. Mais c’est la pure vérité. Chaque fois que je vais à l’hôpital, que je vois Sophie dépérir presque à vue d’œil, je ressors de là complètement déboussolé.
Je ne sais pas comment les autres font pour tenir, comment elle fait pour tenir… Mais moi, je me sens tellement inutile et démuni quand je la vois… Alors, je ne mens pas à Pauline quand je lui dis que sa compagnie me fera le plus grand bien. C’est vraiment ce que je ressens. Parler à quelqu’un qui n’est pas complétement envahi par toute cette merde de cancer me fera du bien, à moi aussi.
— Vous voulez en parler ? me propose-t-elle gentiment.
— Je ne sais pas. À vrai dire, je pense que parler de choses plus gaies que ce qui se passe entre ces murs d’hôpitaux nous fera plus de bien. Vous ne pensez pas ?
— Sans doute oui, vous avez raison.
D’un regard, nous scellons cette proposition. Je constate qu’elle se détend immédiatement à cette idée. Je ne sais pas ce qui la rend si triste, mais je me donne pour objectif de lui faire penser à autre chose au cours de ce repas. De me faire penser à autre chose au cours de ce repas.
Je prends alors quelques instants pour la regarder. Elle est simple, mais elle a du charme. Pas du tout le genre de nana qu’on trouve dans les magazines, ni de celles qui, habituellement, me courent après…
Brune, les yeux bleus à peine maquillés, une bouche bien dessinée et sur laquelle elle a déposé un rouge à lèvres écarlate – une des seules traces de coquetterie qu’elle porte mais qui lui sied à merveille. Son corps n’est pas mince, mais elle n’est pas en surpoids non plus. Elle semble cependant connaître ses atouts. Sa poitrine généreuse – mais pas trop imposante – est élégamment mise en avant par un top légèrement décolleté et resserré à la taille, avant de s’évaser sur ses hanches que je devine bien dessinées. Son pantalon slim laisse deviner des jambes harmonieuses avec le reste de son corps et je me souviens que son cul rond, mais appétissant, est ce qui a attiré en premier mon regard sur elle à l’hôpital.
Alors que je termine cet inventaire mental de ses qualités, je la vois se dandiner à côté de moi et tirer légèrement sur son top pour me cacher ses jolies cuisses, signe que je n’ai pas été assez discret dans mon reluquage.
Je relève mon regard vers elle et je la vois mordre sa lèvre inférieure, gênée. Je détourne aussitôt le regard, ce simple geste de sa part me faisant un drôle d’effet juste après avoir repensé à ses fesses. Heureusement, nous arrivons devant le restaurant et le chauffeur du taxi vient interrompre cette situation, qui devenait embarrassante.
Je règle la course et je rejoins Pauline qui m’attend sur le trottoir. Elle semble toujours gênée.
— Je m’excuse. Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise.
— Ce n’est rien, je vous assure.
— Si. Je vois que vous êtes gênée. Vous semblez avoir perdu la légèreté que vous aviez à peine retrouvée et c’est ma faute. Alors je vous prie de m’excuser. Je ne recommencerai pas.
— Excuses acceptées.
Elle prononce ces mots, mais je sens qu’elle ne me dit pas le fond de sa pensée. Je fronce les sourcils et ne la quitte pas du regard, la forçant ainsi à me donner davantage de détails.
— Écoutez, je conçois que vous n’ayez pas l’habitude de côtoyer des filles comme moi, mais pourquoi m’avoir invitée alors ? Je n’avais pas besoin de ça pour me sentir mal aujourd’hui, je vous assure.
Elle secoue la tête en soufflant.
Et merde… Je l’ai vexée sans même le vouloir !
Je m’approche alors d’elle et l’oblige à me regarder dans les yeux en relevant son menton de ma main. Elle me fixe et… Bordel… Je n’avais pas vu que son regard était si envoûtant. Je déglutis et reprends, passant même au tutoiement sans m’en rendre compte.
— Écoute, Pauline, je suis sincèrement désolé. Mon but n’était absolument pas de te mettre mal à l’aise. Mais permets-moi juste de te dire que tu es une femme magnifique et que je suis vraiment heureux de t’avoir à mes côtés pour ce repas.
Je lui souris pour appuyer mon propos. Elle se mord de nouveau la lèvre inférieure et j’ai la sensation que l’air autour de nous devient électrique. De ma main, toujours sous son menton, je l’oblige à suspendre ce geste pourtant naturel chez elle. Mes lèvres approchent alors dangereusement des siennes… Et j’oublie tout le reste.